Risques sur la santé et l'environnement
En 2015, Envoyé Spécial alertait déjà sur les risques associés aux centrales d’enrobage à chaud. Reportage de la journaliste Sarah OULTAF réalisé afin d’être diffusé dans l’émission “Envoyé Spécial” fin 2015.
Enquête épidémiologique à Saint Rogatien
Pourquoi sommes-nous inquiets ?
- Les premières habitations sont à 300m. Tout un lotissement, le lycée, une école, un centre équestre, des Maisons d’Assistantes Maternelles se trouvent dans le premier kilomètre et demi.
- Aucune étude d’impact environnemental prenant en compte la présence d’habitations et de lieux accueillant du public n’a été effectuée par l’industriel (la réglementation n’en exige plus depuis 2019 [1])
- Aucun organisme indépendant n’est prévu pour effectuer des mesures vérifiant le taux d’émission de substances toxiques en sortie de cheminée (voir la liste des polluants détaillée dans la section “Pollution de l’air”).
- Ce sont nos aînés, nos jeunes, nos enfants, nos bébés, et même nos fœtus [2] qui sont exposés. Au-delà des personnes, ce sont les animaux, la faune, la flore et nos potagers qui deviennent pollués.
- A cela s’ajoutent des nuits où les riverains sont exposés à des odeurs insupportables, surtout quand le vent est dans la direction des maisons. Le mot d’ordre est de fermer les fenêtres et couper la VMC. La population guette la météo des vents chaque soir, et l’angoisse grandit de devoir se calfeutrer les nuits d’été sans plus pouvoir refroidir sa maison.
La mobilisation grandit, citoyens, maires, élus, se lèvent, déterminés à faire entendre leurs voix et à préserver la beauté naturelle de notre territoire que nous souhaitons garder sain pour les générations futures.
Quels sont les risques ?
1. Pollution de l’air et risques sur la santé publique
Polluants atmosphériques connus
L’exposition aux particules émises par les usines d’enrobage à chaud peut augmenter les risques de développer certains types de cancer, des maladies cardiovasculaires, respiratoires, des anomalies génétiques et d’autres problèmes de santé chroniques. Les organismes de référence pour les risques détaillés ci-dessous sont :
- le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer), agence spécialisée dans le cancer de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé)
- l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation de l’environnement et du travail)
- l’INRS (l’Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles)
Les centrales d’enrobages émettent les polluants atmosphériques suivants :
- Dioxyde de soufre (SO2) : troubles respiratoires sévères avec œdème pulmonaire, bronchites et pharyngites chroniques [3].
- Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP) dont :
- Benzo(a)Pyrène (BaP): cancérigène avéré, mutagène, toxique pour la fertilité et le développement (le mieux documenté des HAP) [4] [5]
- Naphtalène : cancérogène possible, anémie hémolytique (diminution anormale du nombre de globules rouges) et effets pulmonaires [6] [7]
- Pyrène : cancérogènes probable [4]
- Dioxyde d’azote (NO2) : altération des fonctions respiratoires, lésions irritantes des muqueuses respiratoires et oculaires, aggravation d’asthme [8]
- Ozone (O3) : lésions irritantes des muqueuses respiratoires et oculaires
- Benzène (Hydrocarbures Aromatiques Monocycliques) : cancérigène avéré (sur la base de leucémies observées) [10]
- Particules fines (2.5 µm et 10µm) : cancérigène avéré, effets cardiovasculaires, respiratoires, sur le cerveau, la reproduction [11] [12]
Les fumées de bitume
Concernant les fumées de bitumes dans leur ensemble, le niveau de preuve actuel conclut sur leur caractère :
- mutagènes et génotoxiques [13]
- cancérigène probable [14]
- irritant pour les voies respiratoires (asthme, bronchites chroniques…) [15]
- potentiels effets cardiovasculaires et immunotoxiques [16]
Par ailleurs, seulement quelques composés des fumées de bitumes sont aujourd’hui connus. Il en resterait des milliers non-identifiés qui font le sujet de travaux de recherches en chers. Le risque sanitaire déjà connu est forcément sous-estimé !
“On ne sait pas de quoi la fumée d’enrobé est composée, on ne sait pas à quels polluants les travailleurs (et donc les riverains) font face. Ce que l’on sait c’est qu’elle provoque des difficultés respiratoires, elle est toxique, et possiblement cancérigène. […] Il est très difficile de différencier tous les composés, il y en a des milliers, c’est pour ça que sa composition exacte n’est toujours pas connue. ” Marie-Astrid Dutoit, doctorante à l’université de Lorraine expose le problème [17]
Modes d’absorption des polluants
Trois modes d’absorption sont possibles [18] :
- inhalation directe par les habitants voisins des gaz et poussières rejetées,
- ingestion de sol contenant des retombées de particules par des enfants en bas âge parmi les enjeux voisins
- ingestion de cultures (potagers) contenant des retombées de particules par les enfants voisins.
Un risque non mesuré sur notre territoire
Les risques sanitaires mentionnés ci-dessus sont théoriques. L’exposition réelle de notre population à ces substances toxiques reste mal connue : à ce jour aucun modèle de dispersion atmosphérique (prenant en compte distances aux habitations, typologie du terrain, présence de vents) n’a été communiqué. Mais en aucun cas, l’absence d’étude spécifique à notre territoire ne justifie de minimiser le risque sanitaire qu’on impose à sa population. Le risque n’étant pas mesuré dans notre contexte, et sur la base des connaissances scientifiques théoriques relatives aux fumées de bitumes et ses composés, nous demandons que le principe de précaution s’applique (disposition définie lors du sommet de Rio de 1992)[24]
2. Pollution de l’eau et du sol [19] [20] [21] [22] [23]
Les particules invisibles et toxiques rejetées par ces usines contaminent les sources d’eau locales et les sols. Ces contaminations peuvent affecter la vie aquatique, la production agricole, la qualité des fruits et légumes de façon générale (y compris ceux de nos jardins potagers). Ces rejets sont notamment composés de HAP (Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques) qui sont des polluants organiques persistants (POP). Ces composés toxiques pour la santé humaine sont très peu biodégradables, et peuvent persister pendant plusieurs années dans les sols affectant ainsi de manière durable l’exploitation de nos jardins et potagers. Ils s’accumulent progressivement dans les tissus des organismes vivants (végétaux, animaux, hommes…) et le long de la chaine alimentaire. Ils ont également la capacité d’être transportés sur de longues distances. En raison de ces différentes propriétés, des impacts sont également observés très loin des sources d’émission.
Pour en savoir plus sur ces substances toxiques : https://substances.ineris.fr/
3. Nuisances sonores
Les usines d’enrobage, génèrent des niveaux de bruit élevés, perturbant les nuits des riverains les plus proches.
4. Nuisances olfactives
S’ajoutent à cela les fortes odeurs, rendant l’air irrespirable et obligeant les habitants à se confiner, fermer leurs volets, couper la VMC.
5. Impact sur la valeur des propriétés
La proximité d’une usine de ce type peut également affecter la valeur des propriétés dans la région en raison des préoccupations concernant la santé, la qualité de vie et l’environnement.
Sources
[1] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000038358635
[2] https://bvs.anses.fr/sites/default/files/BVS-mg-033-Rousseau-Ralliard.pdf
[3] https://www.inrs.fr/dms/ficheTox/FicheFicheTox/FICHETOX_41-1/FicheTox_41.pdf
[4] https://www.inrs.fr/publications/bdd/fichetox/fiche.html?refINRS=FICHETOX_144
[6] https://www.cancer-environnement.fr/fiches/expositions-environnementales/naphtalene/
[7] https://www.anses.fr/fr/system/files/BVS-mg-011-SCHROEDER.pdf
[8] https://www.inrs.fr/dms/ficheTox/FicheFicheTox/FICHETOX_133-2/FicheTox_133.pdf
[10] https://www.cancer-environnement.fr/fiches/expositions-environnementales/benzene/
[11] https://www.anses.fr/fr/system/files/AIR2014SA0156Ra.pdf
[12] https://www.cancer-environnement.fr/fiches/expositions-environnementales/particules-dans-lair/
[13] https://www.cancer-environnement.fr/fiches/expositions-environnementales/bitumes/
[14] https://www.cancer-environnement.fr/fiches/expositions-environnementales/bitumes/
[15] https://www.anses.fr/fr/system/files/CHIM2008sa0410Ra.pdf
[17] https://ultv.univ-lorraine.fr/video/7464-marie-astrid-dutoit-caracterisation-chimique-des-fumees-de-bitume-3e-prix-du-jury/ https://theconversation.com/ma-these-en-bd-chroniques-de-lasphalte-78494
[20] Rapport d’étude INERIS : https://www.ineris.fr/sites/ineris.fr/files/contribution/Documents/66244-DESP-R022__.pdf
[21] Magalie Crone. Diagnostic de sols pollues par des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) a l’aide de la spectrophotométrie UV. Institut national des sciences appliquées de Lyon, 2000. https://theses.hal.science/tel-00837762v1/document
[22] Carine Saison. Dissipation des hydrocarbures aromatiques polycycliques dans les sols à pollution multiple. Institut National Polytechnique de Lorraine, 2001. https://hal.univ-lorraine.fr/tel-01750338v1